La forêt couvre les ¾ de la commune et c'est elle qui a sans doute entretenu
la première vie sur le plateau. Paradoxalement, elle deviendra vite bien exclusif
du possesseur de la terre et domaine interdit à l'habitant des lieux qui travaille
le sol. A peine à l'écart de la route franque qui, de Dijon,
menait à Sens par Saint Seine et Alésia, Etaules connaît sans doute,
le vigoureux effort agricole qui marque cette période franque où tous les textes
parlent de défrichements.
Notons les deux étapes primitives de l'usage du sol :
Celle des pasteurs qui se contentent de clairières puis celle des hommes du bronze
qui profitent de la relative sécheresse pour étendre leurs pâturages sur la forêt,
la lutte entre le bois et les champs, les désirs du peuple devant la forêt interdite.
Le gibier y est abondant : ours, aurochs, loups, cerfs et sangliers sont souvent cités.
Elle abrite en outre des brigands dont la présence est formellement attestée dès le IV°siècle ;
Les habitants du plateau sont souvent présentés comme sauvages et la région de Saint Seine
conservera longtemps sa mauvaise réputation, comme en témoignent les itinéraires de pélerins
du XVI° siècle.
Le défrichement est surtout guidé au V° siècle par l'extension des pâtures ;
les gardiens des troupeaux prennent une importance toute particulière et
la forêt pâtit quelque peu des abus commis, la loi des Burgondes permettant à tout individu non-possesseur
de forêt de prendre dans celle d'autrui les bois tombés et sans fruits.
Sous les Carolingiens, les Capitulaires (lois lombardes) défendent d'établir des forêts nouvelles.
On peut se demander pourquoi cette interdiction à une époque où le défrichement va bon train ?
C'est que la féodalité naissante, quelque peu bridée par l'administration carolingienne,
a besoin d'exutoire et les seigneurs dévastent les champs pour refaire de la forêt,
seule capable de témoigner de leur " standing "...
C'est encore sous les Carolingiens (Louis le Pieux)
que les forêts privées se créent et que se fait la distinction entre la silva, forêt originelle,
et la forestis, réserve de chasse qui, souvent close (hagia) est à l'origine des " aiges " qui subsistent
sur la carte (les Aiges Moreau).
Bien que le droit royal s'exerçât sur toute la forêt, quelqu'en fut l'origine, les seigneurs n'auront
de cesse d'agrandir leurs garennes malgré les édits successifs. En plaine, même les défrichements
par les moines cisterciens furent surtout la mise en culture de marais ou de zones humides.
Remarquons le droit de vaine pâture sous bois autorisé à Etaules, pays forestier, avant l'annexion
des " pelouses " et des friches par les troupeaux des notables a toujours été interdite dans
les régions non moins forestières mais où la féodalité n'avait pas prise.
Par suite l'exploitation du minerai de fer et l'alimentation des forges vont creuser un vide
dans la forêt. En 1802, les 37 hauts fourneaux et les 44 forges de Côte d'Or consomment j
usqu'à 220 000 grandes cordes charbonnières de 2,5 stères provenant de la coupe de 3600 hectares de taillis.
Les améliorations apportées au rendement des foyers et à la fabrication du charbon de bois par Gaspard de Courtivron
joueront peu sur cette déforestation. L'essartage fait un peu au hasard s'attaque d'abord aux friches
puis aux garennes, rarement à la forêt même. En résumé, l'occupation et l'usage de la forêt ont connu
des variations nettes du fait de l'homme :
. Les peuples des tumuli de l'âge de bronze y vivent et la font pâturer.
. Les Gaulois la délaissent quelque peu et la forêt s'étend.
. Les défrichements gallo-romains réduisent la surface boisée.
. Les défrichements francs coïncident avec la remise en " accrues " de certains champs.
. La surface se maintient sous les Ducs de Bourgogne.
. Du XVI° au XVIII siècle, dévastation accélérée de la forêt qui perd qualité et surface
jusqu'à l'extinction des forges au charbon de bois et l'abolition du droit de parcours
vers la fin du XIX° siècle.
On peut affirmer que la forêt de 1970 est plus belle à tous les égards que celle décrite par Courtépée.
La couverture forestière du plateau reste remarquable : sa valeur n'est plus dans sa production
de bois et, par une évolution dont on pourrait beaucoup philosopher, c'est à présent le gibier
et le décor végétal qui lui confèrent de l'intérêt. Intérêt qui ne peut se chiffrer entièrement
et paraît moins évident à nos contemporains qu'aux sujets du Duc de Bourgogne...
éanmoins, la persistance de cet " élément essentiel de l'activité rurale " nous est garant
de l'authenticité rustique des rapports actuels entre les hommes et la terre du plateau.
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